Le Nyiragongo, considéré comme le volcan le plus dangereux d’Afrique, continue de faire planer sa menace quelques jours après une éruption. Les autorités de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), ont ordonné, jeudi 27 mai, l’évacuation d’une partie de la ville du fait des risques d’éruption, provoquant immédiatement l’exode de dizaines de milliers de personnes.

Des embouteillages sur des kilomètres bloquaient, jeudi à la mi-journée, la route quittant Goma par l’ouest, principal axe de sortie de la ville. Dans la cohue, l’énervement et la poussière, des files de voitures, de camions, de minibus surchargés tentaient d’avancer péniblement sur cette route reliant, sur plus de vingt-cinq kilomètres, Goma à la localité de Sake, dans la région montagneuse du Masisi.
Des milliers de piétons, des familles, des enfants, des vieillards, portant valises et balluchons, marchaient sur le bas-côté, tandis que quelques militaires et policiers tentaient, souvent impuissants, de fluidifier ce flot ininterrompu de véhicules.
Dans ce contexte, des experts se sont rendus, jeudi matin, au sommet du volcan pour évaluer les risques de nouvelle éruption « et permettre au gouvernement de prendre des décisions futures », a annoncé le gouvernement congolais.

Il y a un « risque de déstabilisation » des gaz dangereux dissous sous le lac Kivu, au pied du volcan Nyiragongo actuellement en forte activité, ont mis en garde les autorités. « Des risques supplémentaires sont liés à l’interaction entre la lave et l’eau » du lac, a déclaré le gouverneur militaire Constant Ndima, dans son ordre d’évacuation de la population. « Ils sont de plusieurs natures », a-t-il ainsi énuméré : « Interaction du magma avec l’eau du lac, déstabilisation du volume de gaz dissous sous le lac Kivu et émission de gaz en surface potentiellement dangereux. »
« Emporter le minimum »
« La situation peut changer rapidement, elle est sous surveillance constante » et, en « prévision de cette éventuelle catastrophe, l’évacuation est obligatoire et se fera vers Sake. Elle devra se faire dans le calme et sans précipitation sous la coordination des humanitaires et avec les moyens de transport mis à disposition par les autorités provinciales dans chaque quartier », a détaillé le gouverneur. « Les gens doivent emporter le minimum, pour donner la chance à tout le monde d’embarquer après avoir pris soin de fermer leurs maisons », a-t-il conclu.
En ordonnant l’évacuation préventive de dix des dix-huit quartiers de Goma, le gouvernement a « voulu préserver les populations vivant sur le parcours des coulées de lave », a justifié, depuis Kinshasa, jeudi dans l’après-midi, le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya. « Leur retour ne pourra être envisagé que lorsque la menace sera totalement écartée », a-t-il précisé.Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le Nyiragongo, enfant turbulent de la tectonique des plaques
Comme depuis cinq jours, les tremblements de terre se sont poursuivis jeudi, l’un atteignant à la mi-journée 4,9 de magnitude, selon les observations du Rwanda voisin. Près de 400 séismes ont été ressentis depuis dimanche, une « situation inédite » alors que l’éruption de samedi n’a donné aucun signe avant-coureur, selon M. Muyaya, qui a notamment pointé le risque « d’une éruption volcanique secondaire, partant des fissures créées par les mouvements sismiques ». Et, surtout, le « scénario catastrophe » d’une explosion d’une poche de gaz sous le lac Kivu, du fait d’un contact avec le magma.

La police et l’armée ont été déployées pour sécuriser Goma et ses environs, selon le gouvernement, qui affirme qu’un « dispositif d’accompagnement » a été mis en place « pour orienter les déplacés vers des lieux plus sécurisés ». Parmi les dizaines de milliers de personnes en fuite, beaucoup se plaignaient cependant de l’absence complète de ces moyens. « On est étonnés. On ne voit pas ces moyens pour quitter Goma, il y a trop d’embouteillages, les prix des taxis motos explosent », a déploré une déplacée, Agnès Kahindo, sur la route de Sake. Le litre de carburant a triplé, passant à plus de 5 000 FC (3 dollars) en quelques heures.
600 morts en 1977
Au port de Goma, c’était également la cohue. La foule s’est pressée dès l’aube pour monter à bord de bateaux en partance pour Bukavu, ville située au sud du lac Kivu, avant que les autorités n’interdisent la navigation sur le lac pour éviter tout chavirage.Lire aussi Eruption du volcan Nyiragongo en RDC : Goma épargnée par la lave, les habitants inquiets des secousses
Goma compte plus de 600 000 habitants, pour une agglomération de 2 millions de personnes. A ce jour, le bilan est de 32 morts depuis l’éruption de samedi.
La précédente éruption majeure du Nyiragongo, le 17 janvier 2002, avait fait une centaine de morts. La plus meurtrière avait fait plus de 600 morts en 1977.
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